La CISPM (Coalition internationale des Sans-papiers et Migrants) appelle tous les mouvements et collectifs de Sans-papiers, Migrants d’Europe et demandeurs d’asile, ainsi que les associations de migrants subsahariens arrivés ou installés au Maghreb, à réaliser ensemble leur participation active au prochain Forum Social Mondial (FSM) de Tunis, qui se tiendra du 24 au 28 mars 2015.
La CISPM, créée en 2012, dans le droit fil de la 1ère Marche européenne des Sans-papiers et Migrants réalisée en Juin 2012, est le regroupement de collectifs de Sans-papiers et demandeurs d’asile résidant dans plusieurs pays européens, à ce jour la France, la Suisse, l’Italie, l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, la Pologne, ainsi qu’au Mali, en Côte d’Ivoire, au Sénégal et en Mauritanie. Son objectif est de lutter pour l’avancée des droits des sans-papiers, des Migrants et des demandeurs d’asile, à l’échelle européenne et internationale, la seule aujourd’hui pertinente pour attaquer les problèmes à leur véritable hauteur.
Pour cet événement du FSM 2015 de Tunis, deux Caravanes seront formées par la CISPM, l’une venant du Nord, d’Europe, par la Méditerranée, l’autre du Sud, d’Afrique Sub-saharienne, par la route. Cette mobilisation à partir des deux pôles de nôtre géographie de migrants et d’exilés, dans une convergence vers le FSM de Tunis, tient à nôtre volonté de donner la plus haute résonance, dans cette chambre d’écho que sera le FSM, aux voix des « damnés de la terre » que nous ne cessons d’être, comme anciens colonisés, et des nouveaux sous-prolétaires que nous sommes devenus, comme Sans-papiers, réfugiés et demandeurs d’asile. Si nous voulons notre engagement aussi important, c’est d’abord parce que les questions mises en jeu au FSM 2015 nous y invitent expressément.
Au FSM de Tunis 2013, auquel nous avions participé après avoir tenté une traversée par la Méditerranée (nous étions 15 Sans-papiers et nos soutiens mais avons été refoulés au port de Tunis), c’était la thématique de la dignité qui en était le fil conducteur. Elle était tout à fait pertinente pour parler de notre condition et de nos droits de Sans-papiers et de migrants. Malheureusement, le temps de parole qui nous fut accordé ne nous permit pas de développer combien, dans le contexte actuel du capitalisme déterritorialisé, notre expérience de la délocalisation forcée, de la précarisation organisée, de la surexploitation programmée, ce véritable servage des temps modernes que nous subissons pouvait donner lieu à de nouvelles formes de luttes, qui, n’en doutons pas, deviendront à court terme, au fur et à mesure du processus de paupérisation des populations, la méthode des combats à venir. Les derniers des hommes, nous nous trouvons ainsi, à l’heure de la lutte, en première ligne. Ainsi, à l’annonce du « fil directeur » des tâches du FSM 2015, nous avons décidé d’y occuper toute notre place. Nous nous réjouissons qu’il soit officiellement annoncé que « la mobilisation en Afrique sub-saharienne » fait partie des grands enjeux.
Le FSM 2015 sera un forum de la Tunisie, du Maghreb et aussi de l’Afrique. Des représentants du Forum social Africain seront associés au comité d’organisation … la participation africaine demandera une attention particulière. Elle nécessitera une valorisation du fond de solidarité qui doit être préparé dès maintenant. » Si nous engageons notre participation au FSM 2015 de Tunis avec beaucoup de détermination et d’attentes, cela tient aussi à l’histoire de notre mouvement et de notre lutte qui veut faire « flèche de tous bois » et a toujours refusé la « politique de la chaise vide », qui fut pourtant celle qui nous fut trop souvent proposée.
Nous travaillons d’arrache-pied à ce que s’ouvre une nouvelle étape d’une longue Marche des Sans-papiers et migrants pour leur émancipation, qui a commencé, pour l’Europe en 1996 à Paris, à St Bernard, lorsque les Sans-papiers ont décidé de prendre leurs affaires en main, sont sortis de la peur et de la clandestinité pour réclamer leurs droits fondamentaux. Longue marche au quotidien ponctuée ces dernières années par des moments forts.
Mai 2010 : Paris-Nice à pied pour interpeller la Françafrique.
Février 2011 : Caravane au FSM de Dakar, pour inscrire la problématique des Sans-papiers en bonne place dans la liste des injustices à combattre avec la plus farouche détermination.
Juin 2012: Marche européenne des Sans-papiers et des Migrants, afin de se réapproprier concrètement en traversant 9 frontières la liberté de circulation et d’installation, pourtant proclamée comme un droit fondamental de l’homme dans la Déclaration universelle des droits de 1948, et porter cette revendication auprès du Parlement européen.
Mars 2013 : participation au FSM de Tunis, malgré le refoulement à la Goulette de notre Caravane de Sans-papiers venus par la mer pour dénoncer les politiques de collaboration des Etats européens et subméditerranéens dans leur chasse liberticide et homicide aux migrants dont tant sont morts noyés.
Septembre 2013 : Marche du Grand Paris, pour mettre le gouvernement socialiste, après un an d’exercice du pouvoir, devant ses responsabilités sur son entêtement à vouloir poursuivre une politique d’immigration réactionnaire et dangereuse pour la démocratie.
Mars 2014 : intervention aux élections municipales à Paris et en Ile de France, pour interpeller les candidats sur la situation des migrants et à propos du droit de vote pour les étrangers non communautaires.
Juin 2014 : Caravane de la CISPM à Bruxelles et semaine d’action à l’occasion du Sommet du Conseil européen sur les questions d’immigration, avec une mobilisation importante commencée début juin par une Marche européenne pour les droits des Migrants et demandeurs d’asile, de Strasbourg à Bruxelles, à laquelle s’était jointe une délégation de la CISPM. Nous souhaitons ardemment que le FSM 2015 de Tunis soit le lieu et le moment d’une étape décisive dans l’avancée de la réflexion et de l’action sur la nécessité d’obtenir à terme tout le droit et tous les droits pour les Sans-papiers et Migrants. La situation générale, en Afrique, au Maghreb, en Europe, en France, et partout ailleurs dans le monde, impose l’urgence de ce débat.
Certes, le FSM 2015 de Tunis propose de faire porter la discussion sur la mobilisation des peuples dans la Région Maghreb- Machrek et dans le monde à partir de 2011, et « de ce point de vue l’évolution tunisienne sera en avant ». Rien de plus juste pour la Tunisie qui est au départ des insurrections de la Région, et qui fait effort dans la poursuite de son combat pour la justice, la liberté et le dialogue national.
Pour notre part, nous tirerons la sonnette d’alarme sur les choix économiques et politiques que l’Europe a fait et veut accentuer par ses politiques d’austérité et de sécurité. Nous sommes de ceux qui pensons que ces politiques ne sont en rien solutions, chiffres à l’appui, à l’économie « en crise », alors qu’en même temps tout est fait pour accélérer privatisations, libéralisations des marchés, dissolution du code du travail, exploitation éhontée des travailleurs, éradication du service public et enrichissement des plus riches! Et les alternatives à gauche qui tardent à venir ! Et même la mort de la gauche annoncée ! Nous estimons, nous autres migrants et Sans-papiers, être partie prenante de cette transformation négative, non seulement parce que nous faisons partie de la grande armée du sous-prolétariat, donc solidaires avec les plus exclus et démunis, mais aussi parce que l’échec de ces politiques fait le jeu des forces les plus réactionnaires, nationalistes, racistes et xénophobes, dont nous sommes et serons les premières victimes. Et les adversaires les plus déterminés.
Nous n’oublions pas aussi que 2015 sera l’année de deux évènements capitaux pour la suite du monde : d’une part le remplacement du cadre de développement de l’ONU, d’autre part la ratification d’un nouveau traité sur le climat. Il est certain que ces deux enjeux géopolitiques, toile de fond de l’évolution de notre monde pour les 20 ans à venir, donnent la mesure de l’importance cruciale des positions que la société civile et les mouvements sociaux devront dégager à Tunis en mars 2015. Et pour nous, cela implique l’importance d’une réflexion commune sur le devenir des migrations, des demandeurs d’asile, des Sans-papiers, des réfugiés.
En pratique, nous appelons à la formation de deux Caravanes, chacune porteuse d’un message commun et de revendications spécifiques. Le message commun, c’est le droit à la liberté de circulation et d’installation, le droit à l’émigration et à l’immigration.
Les revendications spécifiques porteront sur les problématiques de l’émigration Sud-Sud et Sud-Nord pour la Caravane venant de Bamako à Tunis par la route.
Pour la Caravane venant d’Europe, elle aura pour tâche de témoigner de la dégradation, en fait et en droit, de la condition des Sans-papiers et Migrants en France et en Europe.
Chaque Caravane, d’une cinquantaine de personnes, comportera des Sans-papiers mandatés pour prendre la parole au FSM 2015, et c’est à quoi nous tenons le plus, que la voix des Sans-papiers eux-mêmes, traversant les frontières, soit entendue officiellement au sein de l’agora mondialisée du FSM.
Auparavant, dans chaque ville-étape, les Caravanes organiseront des manifestations pour faire connaître à la population ce que sont réellement les lois actuelles régissant l’immigration : en Europe pour la Caravane venant de Paris jusqu’à Marseille puis par bateau jusqu’à Tunis, et au Maghreb-Machrek pour la Caravane venant du Mali, durant un périple d’un mois, de Bamako à Tunis, en passant par Nouakchott, Casablanca, Rabat, Ceuta, Melilla, Oujda, Oran, Alger.
De son côté, la Caravane « africaine » aura à coeur de manifester devant Ceuta et Melilla en solidarité avec les migrants subsahariens « en souffrance » aux portes sauvagement grillagées de l’Europe. Elle s’attachera aussi à dénoncer la ségrégation et le racisme ordinaire que ces migrants subsahariens rencontrent dans leur installation ou leur passage au Maghreb.
Pour la Caravane « européenne », la traversée de la Méditerranée sera une nouvelle occasion de manifester sa solidarité internationale à tous les migrants forcés à l’exil par la mondialisation au péril de leur vie, et dans cette épreuve aussitôt poursuivis comme délinquants, au mépris de leur humanité. Ce que nous souhaitons vivement : qu’à chaque étape de leur périple, les deux Caravanes réussissent à mobiliser les solidarités locales, que les Marocains de Casa, de Rabat, d’Oujda , les Algériens d’Alger ou d’Oran, fassent preuve du soutien le plus chaleureux à la Caravane, qui activera ainsi des ressources, des promesses d’ action et de solidarité pour l’avenir, comme nous l’avions constaté en 2010 tout au long de notre Marche de Paris à Nice, qui avait créé des liens qui tiennent dans la durée et que nous comptons bien aussi réactiver dans la Caravane de Paris à Marseille en route pour l’embarquement à Marseille.
En résumé, déjà à l’occasion du FSM 2013, le FALDI (Forum des Associations des Luttes Démocratiques de l’Immigration) avait souligné que « la question de l’immigration est un enjeu planétaire qui bouscule les notions de frontières, de souveraineté et de citoyenneté et doit être une des thématiques centrales… ».
Faisons en sorte qu’il en soit ainsi en mars 2015, où nous nous devons d’apporter l’expérience et l’expertise des Sans-papiers rassemblés dans la Coalition Internationale des Sans-papiers et Migrants. Nous nous efforcerons de rappeler, au cours des rencontres et des ateliers, l’essentiel de nos analyses et de nos revendications qui, selon nous, ont vocation à être présentées et discutées de manière plénière, car même si elles sont issues d’une lutte qui se déroule en France, en Europe et en Afrique, ses conditions et ses objectifs peuvent prétendre à l’universalité. Il ne s’agit pas seulement de décider de quelques mesures ici ou là, mais de changer radicalement de vision du monde. Si nous nous en tenons aux grandes lignes, nous revendiquons :
- Le droit à la libre circulation et à la libre installation.
- La fermeture des centres de rétention pour les Sans-papiers et demandeurs d’asile.
- Nous nous associons à la campagne Frontexit qui exige le démantèlement de l’agence Frontex.
- L’arrêt des expulsions du pays d’accueil et des zones extraterritoriales destinées à l’externalisation des expulsions hors de l‘Europe.
- La régularisation de tous les Sans-papiers dans un titre de séjour pérenne (la carte de 10 ans pour la réalisation d’une insertion réussie) et la réduction des taxes afférentes.
- La promulgation du droit de vote et de l’éligibilité à toutes les élections pour les migrants régularisés.
- Le respect inconditionnel du droit d’asile.
- L’égalité de plein droit entre nationaux et migrants régularisés (accès au travail, à la santé, à l’éducation, à la culture, en particulier accès à tous les métiers selon les compétences, lutte contre la dé(dis)qualification professionnelle des migrants).
Ces 7 points représentent nos fondamentaux et nos raisons de lutter. Enfin nous voulons aussi contribuer à l’extension du FSM en appelant les associations, les syndicats, les travailleurs, les retraités, les étudiants, les mouvements sociaux, les partis, tous les citoyens et citoyennes à rejoindre et soutenir par tous les moyens possible les préoccupations et interrogations du FSM de Tunis 2015 qui se tient du 24 au 28 mars 2015, tout particulièrement sur le chapitre qui concerne la question des migrations , et dès maintenant, en participant au soutien à notre projet de Caravanes. Tous ensembles à Tunis, d’une manière ou d’une autre !
Le porte-parole de la Coalition Internationale des Sans-papiers, Migrants et demandeurs d’asile, Anzoumane SISSOKO Le 30 juillet 2014
Coalition Internationale des Sans papiers et Migrants ( CISPM)
E-mail : sissokoanzoumane@yahoo.fr,
Anzoumane Sissoko :+33 651 70 74 92
Pour tout soutien financier :
- envoyer chèque à l’ordre de DIEL (Droits Ici et Là-bas)
- Ou virement : FR76 3006 6100 1100 0200 6420 224, en précisant Don pour Caravanes FSM Tunis 2015
Adresse Sissoko Anzoumane, CISPM chez Moussa Drame 19 rue de l’Ourcq- Hall 3 75019 Paris.